Nous voilà donc sur l'île de Taiwan, où nous pouvons rester 3 mois sans visa. Nous y demandons un visa pour la Chine, en envoyant notre passeport à Hong Kong, car il n'y a pas de représentation consulaire chinoise à Taiwan. Vous vous demandez sans doute pourquoi. Taiwan ne fait-elle pas partie de la Chine ? Eh bien, le sujet est compliqué... Aujourd'hui, la République populaire de Chine revendique Taiwan comme une de ses provinces. Taiwan, qui se nomme "République de Chine", ne voit pas les choses de cette façon. La République de Chine est reconnue comme état par 21 états membres de l'Onu (et le Saint-siège). A noter que de 1895 à 1945, Taiwan était gouverné par le Japon.
Un petit extrait de Wikipedia pour en savoir plus :
"La République de Chine occupait le siège de la Chine à l'ONU jusqu'en 1971, date à laquelle la République populaire de Chine la remplaça. La République de Chine et la République populaire de Chine revendiquent chacune la pleine et légitime souveraineté sur la totalité du territoire chinois (Chine continentale et île de Taïwan). Aujourd'hui, la République de Chine (Taïwan) revendique toujours officiellement la souveraineté sur le continent, même si ses revendications ne sont pas activement poursuivies, dans un effort d'améliorer les relations diplomatiques entre la République populaire de Chine et la République de Chine. Dans les faits, Taïwan a une indépendance administrative et politique par rapport au continent, mais son indépendance n'a jamais été proclamée ni par le gouvernement de l'île, ni par celui du continent. Elle est donc considérée par l'ONU comme une province de la République populaire de Chine et par le gouvernement de Taïwan, comme une province de la République de Chine, selon les dispositions de sa Constitution d'avant 1949."
Bref, c'est complexe. La plupart des gens que nous rencontrons ici considèrent clairement qu'ils ne vivent pas en Chine. Vu de l'extérieur, Taiwan a des aspects qui nous rappellent la Chine (inscriptions en mandarin, temples, nourriture, modernité et propreté des villes, aspect ordonné...) et d'autres qui s'en éloignent très franchement (mode de vie plus "occidental", libre, forte population "aborigène" qui ne semble pas opprimée comme c'est le cas en Chine, beaucoup de gens parlant un peu anglais, des parcs naturels non bétonnés...).
Voilà maintenant un peu plus d'un mois que nous avons atterri à Taiwan, et j'aime chaque jour un peu plus ce magnifique pays. Voici quelques unes des nombreuses raisons qui expliquent ce coup de coeur :
- L'aéroport de Taipei est incroyable ! Il y a des canapés très confortables pour passer la nuit, des douches, des distributeurs gratuits de thé et d'eau chaude, du wifi, des prises de courant et ni annonce nocturne ni service de ménage dérangeant les dormeurs. Il faut dire qu'on est rarement dans un aéroport, et qu'en arrivant des Philippines, beaucoup de choses nous semblent incroyablement luxueuses, propres et sûres... Quand on a exprimé notre enthousiasme aux Couchsurfeurs chez qui nous avons dormi à Taipei, ils nous ont regardés bizarrement, un peu perplexes... "Heu, vous avez un niveau d'attente assez bas, non ?"
- Le stop y est incroyablement facile et agréable. Nous attendons rarement plus de 7 minutes au bord d'une route, les gens conduisent raisonnablement bien, comprennent le concept du stop, sont serviables et parlent souvent un peu anglais.
- Taiwan est propre et sûr. On ne craint pas de tomber malade en mangeant au restaurant, et à la campagne les gens ne ferment pas à clé leur maison, n'attachent pas leurs vélos et laissent les clés sur leurs scooters...
- Les paysages sont variés : à quelques kilomètres de distance nous passons de falaises tombant dans la mer à des montagnes à plus de 3 000 m. Des forêts luxuriantes, des canyons, cascades, sources chaudes...
- Il y a beaucoup d'endroit non urbanisés, même à côté de Taipei. A 1h30 de transports en commun de Taipei se trouve un magnifique parc national. Quand aux autres grandes villes, nous trouvons toujours un endroit sauvage pour camper à quelques kilomètres seulement du centre...
- La nourriture est délicieuse, il y a de nombreux restaurants végétariens et des options végétariennes dans tous les restaurants. On se régale !
- On peut aisément y voyager de façon bon marché : le stop étant facile et le pays sûr et assez peu urbanisé, nous dormons où nous voulons en tente. D'ailleurs nous n'avons pas encore payé un seul logement.
Il y a malgré tout quelques aspects que l'on aime moins :
- Il faut des permis pour la plupart des randonnées. C'est fastidieux à obtenir quand on ne parle pas mandarin. De plus, certains permis sont disponibles en quantité limitée. Ainsi nous n'avons pas pu obtenir de permis pour nous rendre au point culminant de l'île, même si nous nous y sommes pris 7 semaines à l'avance...
- Les randonnées les plus engagées et spectaculaires sont réservées aux taïwanais. Impossible pour un étranger d'obtenir un permis, à moins de faire partie d'un groupe dont le leader est taïwanais. C'est la première fois que nous sommes confrontés à ce genre de chose !
- Les fruits et légumes sont chers, comparativement au reste de l'Asie (ex : 1 euro la pomme). Globalement le coût de la vie se rapproche de ce que l'on peut observer en Europe.
Nous avons commencé notre séjour par une petite semaine à Taipei, la capitale, hébergés en Couchsurfing, chez un couple taiwanais-anglais hyper accueillants. J'ai vraiment apprécié la modernité de cette ville, ses restaurants, la facilité à trouver ce que l'on cherche (un nouveau GPS Garmin, un livre sur les oiseaux...), les multiples possibilités de sortie (temples, musées, parc, cours de bouddhisme tibétain...), la proximité d'un parc national avec de vraies rando à la journée.
Nous avons ensuite rejoint la côte ouest pour 12 jours de volontariat dans une ferme bio, cultivant légumes et dates chinoises. Nous avons aidé 4 à 6 heures par jour contre le gîte et le couvert. Enlever les "mauvaises" herbes, planter du maïs, faire des boutures de chrysanthèmes, défricher un champ, tailler des datiers, répendre des copeaux, éplucher de la canne à sucre, des fruits... Une magnifique expérience, dans un coin sympa, une zone de campagne un peu urbanisée. Cette ferme est tenue par une famille de néoruraux, 3 frères et soeurs avec leurs parents et leur tante. Ils possèdent également un petit atelier de fabrication artisanale de tofu, dans lequel nous avons passé un peu de temps, à poser mille questions, et prendre photos et vidéos pour apprendre à faire du tofu. Une activité qui nous a emballée ! Ce volontariat nous a appris la mal de choses sur le tofu et le maraichage bio, mais également sur la culture taïwanaise. Dans cette famille, seule une personne parle anglais, incompréhensions et qui proquos ont donc été nombreux. Les repas, pris tous ensembles et cuisinés par la grand-mère ou la grande-tante, étaient à la fois délicieux et un peu stressants car assez codifiés. Le grand-père a un bol différent des autres à ne surtout pas prendre (devinez qui a fait l'erreur...), il y a plein de petits plats situés au centre dans lequel tout le monde se sert avec ses baguettes, il faut éviter de finir un plat, une fois qu'on a commencé à manger il faut manger vite sans s'arrêter puis quitter la table. Un jour, Jb a fait une pause de 5 secondes en posant ses baguettes, tout de suite sa voisine, inquiète, lui a dit : "Quelque chose ne va pas ?". Après le désert culinaire qu'ont été les Philippines pour nous, nous avons extrêmement apprécié ces repas, délicieux, variés, avec plein de nouveaux légumes. Incroyable l'effet que peut avoir la nourriture sur l'état mental et physique, le bien-être, le niveau d'énergie. Nous avons donc fait le plein d'énergie, et avons appris que la dame qui était notre interlocutrice avait confié à une tierce personne : "ils mangent beaucoup, les deux français quand-même..." .
Après cette expérience intense, nous avons passé une dizaine de jours à visiter l'île en stop, randonnant dans les forêts de basses et hautes altitudes, dormant sous notre tente dans les forêts, sur la plage, près d'un ruisseau, et même sur un parking.
Depuis quelques jours nous sommes sur la côte est, dans une autre ferme, très différente. Je préfère largement ce côté de l'île, très sauvage, avec une importante population aborigène, et une ambiance calme et détendue. Nous travaillons 4h le matin (désherbage, nourrir chèvres et poules, prendre soin des arbres fruitiers, réparer la clôture...), mangeons à la ferme, et avons l'après-midi pour nous promener sur la plage, dans les collines, nous détendre, nous documenter sur le maraîchage, la permaculture, la fabrication du tofu, qui sont les thèmes que nous creusons en ce moment.
Ces deux expériences sont vraiment très riches, et nous ont également donné l'occasion de visiter une école élémentaire lors d'une animation sur le soja, participer à un après-midi team building avec les employés d'une agence immobilière, participer à une manifestation environnementale, visiter une ferme de permaculture et assister à une projection sous-titrée en mandarin du documentaire français "Demain"... Nous apprécions vraiment cette nouvelle dynamique, qui nourrit de nombreuses réflexions sur le futur.
Marion
La leçon de la semaine : le liquide de frein, c'est très très corrosif ! Lors d'un trajet en stop dans un vieux camion aux Philippines, mon sac a dos à été imbibé de liquide de frein provenant d'une bouteille mal fermée. Le soir je l'avais rincé sommairement, visiblement pas assez... Insidieusement, le produit a en quelques semaines completement rongé le Cordura de mon sac à dos neuf, que je venais juste de récupérer. J'ai maintenant un sac en gruyère, pas très pratique pour les longues rando.
La surprise du chef : dans le parc National de Taroko, nous avons pour projet de monter au sommet du pic nord du Mont Hehuanshan, 3 422 mètres. Arrivés en stop au point le plus haut du réseau routier taïwanais, à 3 275 mètres, nous découvrons qu'il faut un permis pour faire cette petite randonnée. Le chemin est facile, il y a peu de monde car nous sommes en hiver et en semaine, nous décidons donc d'y aller quand-même. Après une grosse heure de marche nous montons le camp dans une zone réservée au camping. Jb me montre un petit animal : "Oh regarde, une belette, comme elle est mignonne...". On s'installe, on se réchauffe sous la couette avec une boisson chaude... Et pendant ce temps l'innocente belette rameute ses copines, qui se transforment en Grimlins de plus en plus audacieux... L'une d'elle finit par attaquer la tente et la trouer pour atteindre un sac de nourriture situé à l'intérieur. Nous décidons de déménager et nous replions le camp, de nuit, par -5°C, dans le brouillard et un fort vent. Quelques centaines de mètres plus loin, nous nous installons dans un coin franchement pas terrible, en plein vent, en pente, mais avec une végétation différente et probablement plus de belettes, pense-t-on... A peine le temps de monter la tente en plein vent qu'une belette grimpe sur mon sac et commence à l'attaquer. Je m'éloigne de la tente pour la déloger et une autre en profite pour rentrer dans la tente... Nous passerons toute la nuit à tenir la tente qui se couche à cause du vent, sortir enlever la glace et rattacher la tente, crier pour éloigner les belettes qui tentent quelques assauts, recroquevillés dans ce qu'il nous reste de place dans la tente après avoir tout éloigné des parois. Une nuit inoubliable ! Première fois qu'une telle aventure nous arrive. Inutile de dire que le lendemain, après une visite au sommet dans le brouillard nous avons quitté cette zone. La nuit suivante nous avon été extrêmement contents de dormir sur un parking, 2 500 mètres plus bas, au chaud et sans belettes...
Des plumes et des poils : Taiwanese hwamei, parmi les 29 oiseaux endémiques de Taiwan, le plus rarement observé peut néanmoins l'être autour de notre deuxième ferme, à Dylan. Côté poils, les belettes évidemment ! Les rangers nous ont appris que ces "belettes" sont en fait des Mustela sibirica davidiana, les visons de Sibérie. Et NON, ça n'est pas du tout "mignon" :)!
Highlight météo : retour en milieu tempéré, c'est l'hiver à Taiwan, nous avons ressorti pull et doudoune... Brrr cela faisait un petit moment que l'on n'avait pas campé par des températures négatives !