Nous sommes restés plusieurs jours à Manille pour préparer ce trek : itinéraire, cartes, traces GPS, carte sim locale, nourriture pour 13 jours en autonomie... Nous avons ensuite rejoint Bantoc, dans la cordillère, en 2 jours de stop.
Depuis quelques jours, Jb suivait de près les prévisions concernant l'arrivée d'une perturbation. À Bantoc, il apprend que les prévisions annoncent maintenant le passage d'un cyclone de classe 2 à quelques centaines de kilomètres au sud du village où nous nous trouvons, pour dans quelques jours. Dans ces conditions, impossible de partir en randonnée : le cyclone pourrait passer plus au nord que prévu, ou pourrait être plus fort et entraîner des glissements de terrain, fréquents dans la région.
Nous avons donc rejoint un petit village de montagne, Barlig, pour attendre prudemment le passage du typhon, comme on appelle ici les cyclones. Sur les derniers vingt kilomètres de routes de montagne avant Barlig, un jeune homme nous prend en stop dans son pick-up. Il se rend au mariage d'un ami. "Vous voulez venir ?" Euh... Je regarde mon pantalon de randonnée et mes baskets, puis les habits également décontracté du jeune homme. Le dress code a l'air souple. Jb lui répond "Pourquoi pas ?". Nous voilà donc à suivre Ken, notre nouvel ami, dans les petites rues du village, jusqu'à la maison dans laquelle la fête a lieu. L'ambiance est très chaleureuse et détendue, cela semble tout à fait logique que deux étrangers rencontrés sur le bord d'un chemin se joignent à la fête. D'ailleurs tous les habitants du village ou des villages du coin peuvent venir manger s'ils le souhaitent.
Nous nous retrouvons vite installés dans la cuisine, qui semble être une place de choix, avec une assiette devant nous. Aux Philippines, les gens mangent énormément de viande, trouver un plat sans viande dans un restaurant est un vrai challenge pour nous. Ce midi-là, nous découvrons qu'un plat qualifié de "végétarien" veut parfois dire qu'il contient des légumes, et seulement un peu de viande ! Jb est ensuite envoyé à la table "des hommes", qui déjà bien imbibés lui font goûter le rhum local, plutôt bon. Quelques dizaines d'années de colonisation américaine (1898 - 1946) ont laissé des traces, notamment un très fort pourcentage de la population qui parle très bien anglais. Quel plaisir de pouvoir discuter avec tout le monde, y compris les personnes âgées !
Le lendemain, le 25 décembre, nous tentons de monter au sommet du volcan Amuyao, point culminant de la région, à environ 2 700 m. Il pleut des cordes et il y a du vent en altitude, nous nous résolvons donc à faire demi-tour, trempés, à 1900 m.
Après notre tentative avortée, nous célébrons en tête à tête le réveillon de Noël, seuls dans notre petit lodge. La dame chez qui nous logeons nous a très gentiment offert des oranges du village, dans un emballage cadeau de Noël. Après un apéritif cacahuètes, noix de cajou, bière locale (San Miguel), nous mangeons notre réveillon de pâtes à la sauce tomate. En dessert, une fondue au chocolat, avec des fruits du coin. Délicieux ! J'ai ramené de France un petit cadeau pour Jb de la part de sa famille, et Jb m'a téléchargé en secret quelques vidéos de ma famille.
Héritage de trois siècles et demi de colonisation espagnole (1565 - 1898), les philippins sont très catholiques. A 22h30, nous nous rendons donc à la messe de minuit du village, pour participer à la fête. Les gens sont un peu surpris de nous y voir, mais accueillants. Le prêtre officie dans un mélange d'anglais et de Tagalog, ce qui nous permet de comprendre un peu ce qu'il se passe. Les chants sont accompagnés par trois guitares et une batterie, les paroles projetées au mur avec un vidéo projecteur. L'ambiance est détendue, des chiens vont et viennent. Une des dernières chansons, reprise en coeur par tout le monde, nous étonne par ses paroles (en anglais) : "S'il-te-plait papa, ne soit pas saoul ce soir, je ne veux pas voir maman pleurer"... Vers minuit, un beau feu d'artifice est tiré. Un Noël simple, mais riche et très émouvant.
Le 26, le cyclone Nock-Ten passe au sud de Manille. Nous apprendrons plus tard qu'il s'agit finalement d'un "super typhon", cyclone de classe 3. Il a fait relativement peu de dégâts, épargnant notamment Manille. Abrités dans notre vallée, nous avons eu de la pluie, mais très peu de vent.
Nous tombons amoureux de ce petit village, et de son ambiance chaleureuse. Quelques centaines de maisons éparpillées sur les flancs de la montagne et reliées par des escaliers. Lorsqu'il ne pleut pas trop, on se balade quelques heures, entre les terrasses de riz, les forêts de pins et forêts humides. C'est paisible, on s'y sent bien.
Nous passons 6 jours dans ce village, attendant une accalmie nous permettant d'aller au sommet. Mais les jours de mauvais temps s'enchaînent, alternant pluie et vent. Nous finissons par décider d'abandonner nos projets de sommet et de randonnée et de quitter les montagnes et le mauvais temps.
Nous nous arrêtons une nuit à Banaue, un des hot spots du tourisme philippins. Une petite balade entre les champs de riz en terrasse et vite, nous quittons cet endroit oppressant. Le lendemain, la magie du stop nous propulse à 400 km de là, dans la voiture d'une VIP philippine allant le soir même remettre un prix dans l'équivalent philippin de la soirée des Oscars, à Manille. Elle nous laisse sur le bord de l'autoroute, à une vingtaine de kilomètres de Manille. Nous parlementons avec les agents de l'autoroute qui ne comprennent pas pourquoi nous arrivons à la barrière de péage à pied (nous aussi on a à peine compris pourquoi ils nous ont laissé là, 200 m après le péage), nous éloignons en direction de la sortie, et Jb réussit à arrêter la troisième voiture qui passe, un gentil ingénieur civil revenant d'un chantier, qui nous dépose à une station de métro, après une petite visite express de Quezon embouteillée. Un dîner dans l'unique restaurant végétarien que nous connaissons, dans le quartier chinois, un trajet dans le métro incroyablement décoré pour les fêtes (ils prennent les fêtes de fin d'année très très au sérieux ici !), et nous voilà de retour dans notre guesthouse préférée.
Nous voilà donc de retour à Manille où nous allons passer la soirée du 31 décembre avant de repartir en stop vers le sud.
Aujourd'hui, les philippins célèbrent leur héros national, José Rizal, un médecin fusillé le 30 décembre 1896 par les espagnols à Manille. Il a joué un rôle de premier plan dans la lutte pour l'émancipation du peuple philippin du joug colonial espagnol.
Marion