Le Nepal, des Nepals
Difficile d'imaginer qu'un si petit pays puisse être si divers.On y trouve bien sûr quelques uns des hauts sommets himalayens, mais ce n'est qu'une infime partie de ce que ce pays regorge de trésors. Arrivés au début l'hiver, pas de haute altitude au programme, mais un mois de "prise de contact", pour partie urbain culturel, pour partie balade dans les montagnes, des forêts tropicales à l'étage alpin. La sortie de l'aéroport fut tout à fait inoubliable. Le choc Tibet-Nepal est énorme. La relative chaleur, le chaos, la végétation, l'air quasi irrespirable : pas facile à encaisser. Cinq jours à Kathmandu ont été nécessaires pour préparer notre trek, s'immerger dans l'ambiance échevelée. La crise d'approvisionnement ne semble rien face à l'énergie débordante de cette ville où l'on finit par s'habituer à l'incompréhensible, l'inattendu, le choquant.
Le 24, après 3h de bus, notre marche débute à 550 mètres d'altitude à Trisuli. L'ambiance est radicalement tropicale. La lumière, la végétation, les oiseaux et l'humidité ne trompent pas. Ca fait un bien fou de se replonger sans cet unigers orangé et vert, en t-shirt ! Notre lente ascension à travers la forêt nous conduit à travers des villages dévastés par le tremblement de terre d'avril dernier. Parfois pas un batiment n est encore debout. Parfois une maison a demi-effondree semble menacer d autres. Regulierement, nous croisons des personnes handicapees, blessees. Le trek a un gout franchement grave, amer. A la sortie des villages, nous nous arretons systematiquement. Un regard echange suffit a partager la tristesse et l impuissance qui nous envahissent. Mais ce sont de francs et enthousiastes "Namaste !" qui nous accompagnent. Partout des sourires, des eclats de rire. Chqaue population a sans doute sa propre maniere de gerer les situations dramatiques. Nous sommes temoins d une force de caractere commune exceptionnelle, desarmante.
Apres deux jours de grimpette, nous atteignons Rupchet, a 3000m. Il fait froid, nous sommes dans le brouillard. La foret humide est magnifique : la mousse, les fougeres, les epiphytes; rien ne semble contrer la vigueur vegetale. A 3600m, nous sortons brusquement de la foret de rhododendrons et entamons une longue traversee d une crete rocheuse, parfois abrupte. La vue s est ouverte et au matin du 27, a 4000m, les hauts sommets sont visibles pour la premiere fois : Ganesh, Langtang, Manaslu. C est sous un deluge de couleurs que nous les decouvrons. La neige nous oblige parfois a quelques detours, mais c est surtout le froid (autour de -10 degres le matin, 0 degre en journee) bien souvent humide qui nous surprend. Le 29, a peine le temps de profiter de la douceur du fond de vallee (a 3300m) que nous remontons en direction du camp haut de Paldor, un sommet isole (5900m) du massif de Ganesh. Paysages magnifiques typiquement Hymalayens. La roche est blanche, brillante, grise, rouge. A 5270m, notre plus haut point est atteint, coince entre une falaise, une arete rocheuse vertigineuse et une pente enorme de neige permanente.
Tout redescendre, tout remonter. Ainsi va notre trek, qui plonge dans la vallee de Syabru, a 1500m. Mi-parcours. Il fait chaud, l agitation de la petite ville est franchement difficile a gerer. Marion trouve le chemin d une source chaude ou les jeunes gens viennent se laver. Apres 10 jours sans douche, c est un regal ! Tout juste sortis de ce moment de douceur, nous traversons la riviere Trisuli et marchons a travers les ruines du village de Syabru Bensi. On dirait une scene de guerre. Tout est a terre, ou sur le point de l etre, tordu, eventre. Un mur seul, inutile, parfois a resiste. Quelques personnes vivent toujours la. Nous croisons une vieille dame, 70 ans peut-etre, avec un fagot de bois sur le dos, sans doute plus lourd que nous deux sacs reunis. Nous nous sentons impuissants, pas a notre place. L ambiance du trek est lourde. Difficile d apprecier les paysages et le tres modeste effort sur le chemin quand tant de souffrances sont sous nos yeux chaque jour.
Le parc national de Langtang est une merveille a tous les etages, de la foret luxuriante des vallees et a celle plus rugueuse de l etage tempere. Apres deux grosses journees de marche, nous retrouvons l etage alpin la 06 a Laurebina. Les vues sur les sommets alentours sont saisissantes, et toujours ces couleurs etourdissantes au lever de Soleil. Le passage du col de Laurebina, a 4650m,le 07 marque le debut d une longue redescente dans la vallee. Le chemin est parfois roulant, parfois detruit par les glissements de terrain. Le 08, nous passons une journee epuisante a osciller autour de 3600m, a grimper dans les eboulis et redescendre sur des troncs, des arbustes la tete en bas. Heureusement, nous nous sentons en bonne forme et nous enchainons les longues journees de marche, quasiment du lever au coucher du Soleil. La degringolade en direction de Kathmandu fait sensiblement remonter la temperature et le nombre d oiseaux vus quotidiennement : pas plus de 5 a 8 especes a 4000m, mais regulierement entre 25 et 35 sous 2500m. Les derniers jours sont plus agreables. Les environs de Kathmandu ont mieux resiste au tremblement de terre, la foret est toujours aussi belle. Nous passons notre derniere nuit le 10 dans le parc de Shivapuri. Il n y a que la foret, les etoiles et nous. Passage par un dernier sommet a 2730m, c est en fin d apres-midi le 11 que nous replongeons dans l etouffante activite de Kathmandu. Sacs au dos, nous sommes heureux de croiser des echoppes, des maisons en bon etat. Nous courrons apres un bus de ville pour rejoindre notre petit nid a Thamel. Fin. 18 jours, 165km, 13000 metres positifs, 120 especes d oiseaux. Ouf !
Un peu de repos a Kathmandu, une journee d observation des oiseaux pour JB a Phulchoki (avec un record du nombre d especes vues en une journee en 2015 a la cle) et surtout une rapide preparation de notre voyage en Inde : Zou ! En direction du Sud, du Soleil et d une nouvelle annee de voyage, qui s annonce tropicale !