Nous avons fini par bien connaître Bishkek, ses bus, ses commerçants, ses parcs… Cette ville récente, à l’allure soviétique, semble à première vue dénuée de charme. Néanmoins, au fur et à mesure que nous apprenons à la connaître, nous apprenons à l’apprécier. On y trouve à peu près tout, les habitants sont calmes et aidants, les quelques mots de russe que nous connaissons suffisent pour nous faire comprendre, le réseau de transport en commun est bien développé, les nombreux parcs rendent l’ambiance agréable, l’appel du muezzin est incroyablement mélodieux. Nous finissons même par nous habituer à l’odeur permanente de brûlé (feuilles, plastique…), si caractéristique de l’Asie centrale, et aux trottoirs ponctués de trous et non éclairés la nuit.
En expérimentant un des logements les moins chers de la ville, incroyablement sale et inconfortable (pas de douche ou point d'eau, un seul toilette immonde, pas de draps, mégots dans la chambre et traces de sang sur les murs…), j’ai découvert (enfin !) ma limite, et nous avons changé pour une guesthouse japonaise moins bon marché mais extrêmement propre :). L’occasion pour nous de rencontrer des voyageurs passionnants : des cyclo, un jeune compatriote autostoppeur lui aussi, beaucoup d’israéliens, un sportif français ayant fait le tour du monde en courant, etc. Finalement, ça n’est pas souvent que nous côtoyons autant de voyageurs, et c’est agréable d’échanger anecdotes et tuyaux !
Une fois les principales attractions touristiques épuisées (Osh bazar qui est le marché central, principaux parcs et places, musée des beaux arts, musée d’histoire…), nous avons exploré des endroits moins classiques : le jardin botanique (qui est en fait une belle forêt secondaire déserte en pleine ville), l’Opéra (peu de spectateurs, mais de très bons musiciens et chanteurs), le bazar de Dordoi (des milliers de boutiques dans des conteneurs métalliques, ça serait le plus grand bazar d’Asie centrale), le Tsum (centre commercial de l’époque soviétique vendant de l’électronique et nous ayant permis de nous équiper d’une petite tablette très pratique)...
Nous sommes devenus des habitués de la salle de billard, des tables de ping pong situées dans les parcs, et avons même essayé le bowling du coin. La caissière du supermarché situé près de notre guesthouse a fini par nous demander si nous habitions ici !
Nous avons aussi profité de cette longue escale pour explorer les environs. Tout d’abord le parc d’Ala Archa, situé à quelques dizaines de kilomètres seulement de la capitale. Un endroit magnifique, surtout à cette période de l’année ou l’automne habille les arbres de teintes chaleureuses. Après nous être gavés de cerises en Europe de l’est puis de pastèques dans le Caucase, c’est au tour des pommes de remplir nos estomacs et sacs à dos. De nombreux pommiers sont présents sur les bords de route, donnant différentes variétés de pommes, toutes de petite taille. Dans ce parc nous avons comme bien souvent pris notre temps, passant 4 jours à parcourir à pied ce que les autres visiteurs font en général en 1 ou 2 jours en prenant un taxi. Nous sommes progressivement montés depuis le fond de la vallée à 2000 m jusqu'à un grand glacier situé à 3800 m. La nuit au pied du glacier a été un peu trop fraîche à mon goût (-8°C) mais les paysages furent grandioses.
Notre excursion suivante nous a été inspirée par un site Internet (Wikiloc), sur lequel des gens (notamment des gens du coin ou des expatriés qui connaissent bien la région) postent des itinéraires et photos de randonnées réalisées partout dans le monde. Nous nous sommes rendus à environ 150 km de la capitale, en stop, à un pont situé au milieu de nulle part mais bien connu des kirghizes : krasny most. De là, nous avons remonté à pied un canyon s’encaissant de plus en plus et finissant par déboucher sur un vaste espace entouré de falaises et piliers de sandstone rouges, érodés par la pluie et le vent. Ces paysages magnifiques nous ont rappelé fortement ceux de l’Ouest américain, et il nous a fallu quelques instants en sortant de la tente le matin pour nous rappeler le pays dans lequel nous nous trouvions… Pendant trois jours nous avons exploré une multitude de petits canyons, sans croiser âme qui vive. Au retour nous avons été pris en stop par une femme (événement suffisamment rare pour être noté) kirghize parlant parfaitement anglais, au parcours très intéressant (elle a notamment participé à la fondation de l’école internationale de Bishkek) et prompt à parler des aberrations administratives de son pays et des dernières révolutions de 2005 et 2010.
Depuis, l’automne s’est installé. Les jours raccourcissent, les journées ensoleillées sont souvent remplacées par un temps gris et pluvieux, et les cols et sommets se recouvrent de neige. Il est temps de reprendre la route vers l’est et le sud. Pour commencer, Almaty, quelques centaines de kilomètres à l’est, au Kazakhstan, et ensuite, peut-être, la Chine puis le Népal.
Marion