Nous n'avions ces jours derniers pas trop le coeur à nous amuser ni à écrire un message sur le blog. Encore plus que d'habitude, je me sens loin de mon pays et de mes proches. Mais comme le disent beaucoup, "la vie continue", alors voilà quelques nouvelles écrites depuis un pays, le Népal, qui a connu lui aussi son lot de moments difficiles, dont les stigmates se trouvent à chaque coin de rue.
23 octobre. Victoire, Jb vient enfin d'obtenir son visa chinois ! Il semblerait que pour des raisons politiques, le consul chinois de Bishkek refuse parfois arbitrairement de délivrer le visa à certains français. Dans certains cas, comme le notre, il le délivre à un membre du couple, mais pas à l'autre. Après trois semaines à essayer d'insister, nous nous sommes rabattus sur Almaty, au Kazakhstan, où cela a été plus facile. Mon visa n'est valable qu'un mois pour l'entrée, vite, il nous reste quatre jours pour entrer en Chine !
26 octobre. Rejoindre la frontière en stop a été facile et agréable. Nous sommes les derniers voyageurs à passer la frontière aujourd'hui. Dès nos premiers pas en Chine, le changement de pays nous semble évident : atmosphère trouble polluée au charbon, hauts-parleurs qui diffusent dans la rue de la musique chinoise, profusion de grattes-ciels et immeubles en construction... Difficile de trouver un hôtel acceptant les étrangers, nous plantons notre tente à la sortie de la ville, dans un verger bordant l'autoroute.
27 octobre. Assis sur nos sacs, nous déclinons l'invitation d'un monsieur à prendre le petit déjeuner chez lui, et terminons nos pancartes, les doigts rougis par la température fraîche de ce petit matin. Nos premiers pas en stop en Chine. Nous sommes munis d'un carton avec "autostop" écrit en mandarin, d'un lettre en mandarin expliquant qui nous sommes et quel est le concept de l'autostop (pratique non répandue ici), d'un carton avec notre destination et d'une collection de petits papiers avec des phrases clés écrites en mandarin ("autoroute", "péage", "ne nous emmenez pas à la gare ou à la station de bus svp", "désolé nous ne pouvons pas payer pour ce trajet", "où allez-vous ?", etc.). Et ça marche ! En deux lifts, nous voilà propulsés à Urumchi, à 650 km de la frontière.
30 octobre. Après Urumchi, nous visitons Turpan, une jolie ville où la population est majoritairement Uighur, et non Han. Mosquées, petits couvre-chefs et odeurs de pain donnent à la ville un parfum d'Asie centrale. Nous partons marcher dans les collines qui entourent la ville, au milieu de petits bâtiments ajourés permettant de faire sécher des grappes de raisins jusqu'à obtenir des raisins secs, culture phare de cette région. Le coin est également réputé pour être l'endroit le plus chaud de Chine (ce qui ne nous a pas sauté aux yeux à cette époque de l'année...) et abriter la seconde plus importante dépression du monde, à - 154 mètres. Les collines désertiques nous séduisent, ainsi que les vieux quartiers historiques de la ville, qui n'ont pas encore été mangés par les bulldozers, comme c'est le cas de tant de villes chinoises...
31 octobre. C'est reparti pour le stop ! Plus de 2000 km nous séparent encore de notre point d'arrivée. Aujourd'hui nous sommes pris en stop par... un bus ! Nous passons la nuit 350 km plus loin à Korla, en bordure de ville dans un lit de rivière à sec.
1 novembre. Nous n'attendons jamais bien longtemps avec nos pancartes, et les lifts sont longs. En revanche, les échanges avec les chauffeurs sont souvent réduits, voire inexistants. La barrière de la langue semble parfois infranchissable, à moins de faire appel à des traducteurs automatiques par Internet. Aujourd'hui, notre conductrice, Weizhou, nous avance de 450 km, jusqu'à Ruoxiang, nous offre à déjeuner, des fruits, mais nous adresse à peine la parole.
2 novembre. Nous nous réveillons dans le désert, à quelques kilomètres de Ruoxiang, et profitons de cette journée pour pratiquer une de nos activités favorites : marcher dans le désert. Nous visons une montagne à l'horizon et marchons quelques heures avant de bifurquer vers la civilisation. Le désert domine l'ouest de la Chine, étendues de sable dur ou de dunes, parfois bordé de montagnes sur l'horizon. C'est beau et paisible...
3 novembre. Un premier lift serré dans un pick up 2 places nous dépose sur une aire de repos au milieu du désert. Il y a peu de passage, quasiment aucunes voitures, beaucoup de vent depuis notre réveil, et malgré nos doudoune nous n'avons pas chaud. Alors quand deux camions de la même compagnie nous proposent de monter, nous reflechissons à peine et sautons chacun dans un camion avec ses 2 chauffeurs. 200 km plus loin mon camion a largement devancé celui de jb, et s'arrête pour la pause dîner. Il semblerait que le camion de Jb doive nous rejoindre, mais je ne suis pas sûre de bien comprendre. Nous n'avons aucun moyen de communiquer quand nous sommes séparés, mes chauffeurs et moi ne nous comprenons pas, et une fois descendue du camion je peine à les reconnaître, le parking grouille de camions et camionneurs qui se ressemblent tous ! Il est 20h, il fait nuit et largement en dessous de 0, nous sommes dans le désert à la frontière des provinces Xinjiang et Qinghai, je n'ai pas la tente et ai rdv avec Jb à une intersection située à 60 km de là, je commence à être un peu tendue... Une heure plus tard, Jb me rejoint enfin ! Tout le monde mange, et nous engageons un dialogue de sourd avec mon camionneur. Il nous explique quelque chose, on ne comprend pas. Jb demande à récupérer son sac car il ne trouve plus son camion, le chauffeur nous propose une boîte de piment. On finit par comprendre qu'ils dorment ici cette nuit, on peut les retrouver à 8h demain matin pour continuer la route. Il est minuit quand nous montons enfin notre tente, il fait -6°C. Il y a des jours, le stop, c'est épuisant !
4 novembre. A 7h50, nous voilà de retour sur le parking : plus aucun camion. Ah... Tant pis, ou plutôt tant mieux, nous en profitons pour aller marcher une journée dans les magnifiques petites montagnes du coin...
5 novembre. Retour sur la route. La stratégie d'aujourd'hui s'avère payante : faire du stop juste après un barrage de police. Deux militaires armés viennent rapidement nous contrôler, puis nous inviter au chaud. Ils nous offrent le déjeuner puis demandent à un bus de nous prendre en stop. 11H de bus plus tard, à minuit, les chauffeurs de bus veulent nous laisser dans la grosse ville du coin. Se retrouver en pleine ville de nuit, ça ne nous intéresse pas du tout... On parlemente un peu pour leur demander de nous déposer au prochain péage, afin de rester sur l'autoroute. Ca semble ok, mais 20 km plus loin, à 2 h du matin ils s'arrêtent sur l'autoroute et nous demandent de descendre et planter notre tente, car les chauffeurs vont dormir 2 ou 3 heures... On craint qu'une nouvelle fois le véhicule parte sans nous, et on insiste pour reste dans le bus et dormir dans l'allée... Cette fois-ci, c'est à 5 heure du matin que nous plantons enfin notre tente à côté du péage. Pour le reste du trajet nous éviterons les bus !
7 novembre. Nous avons hier soir planté notre tente au bord du lac Qinghai, le plus grand lac de Chine. Nous voilà sur le plateau tibétain. Ce matin une fine couche de neige recouvre notre tente et les environs. Le paysage est à couper le souffle. Nous passerons la journée à nous balader, entre rêve et réalité.
8 novembre. Nous voilà arrivés à Xining, fin de ce périple en stop à travers l'Europe et l'Asie. Nous ne pouvons pas rejoindre la province du Tibet en stop, donc nous allons prendre le train. Puis l'avion pour Kathmandu, car la frontière terrestre n'est pas réouverte aux étrangers. Photo souvenir habituelle avec notre conducteur. Ma gorge est serrée.
Marion
Des plumes et des poils : mouette du Tibet et faucon sacre chassant un lapin, sur les rives du lac Qingay.
Highlight météo : -5°C, bourrasques de vent, temps gris, réveil hivernal à Yitun Bulake.
La surprise du chef : le Qinghai, c'est déjà vraiment le Tibet. Beaucoup de gens ne parlent pas mandarin, mais uniquement tibétain, faire du stop se corse car notre lettre et nos panneaux ne sont plus d'aucune utilité... Quand aux paysages, ils sont grandioses : lacs gelés, drapeaux de prière flottant au vent, yaks et sommets enneigés, pèlerins tibetains aux habits colorés se prosternant tous les quelques pas...
La leçon de la semaine : leçon de prononciation chinoise. Nous nous exercons à prononcer "da bian che", qui signifie "autostop", correctement. En effet, en changeant très légèrement l'accentuation, "da bian" signifie "déféquer"...