A notre arrivée en bateau à Fuzhou depuis l'île taïwanaise de Matsu, un paysage de désolation s'étale devant nous : tout est rasé, bétonné, et ça construit, encore et encore... Nous retrouvons la couleur du soleil chinois, une sorte de rouge-orange pâle noyé dans la brûme de pollution. C'est assez joli, mais rappelle combien l'air est pollué.
Fuzhou est une "petite" ville chinoise de 4,5 millions d'habitants. Il reste encore quelques vendeurs de rue et petits commerçants. Un énorme quartier "ancien" a été refait "à la chinoise" : tout y est propre, neuf en style architectural d'époque, joli mais sans âme.
Notre étape suivante est Ningbo, 3,5 millions d'habitants, qui semble avoir été construite il y a 10 ans. C'est pourtant une des plus vieilles villes de Chine. Aujourd'hui des gratte-ciels impressionnants dominent le centre-ville, dans une sorte de compétition nocturne à celui qui sera le plus éclairé... La place centrale de la ville n'a rien d'historique, c'est une sorte de grand centre commercial à ciel ouvert, aux bâtiments neufs. On ne trouve aucun vendeur de rue, pas de petits commerçants, tout le monde semble travailler dans le milieu des affaires, c'est aéré, le système routier est surdimensionné... Quelle ville étrange...
Nous rejoignons ensuite l'île de Putuo, qui nous fait une agréable parenthèse dans ce parcours urbain. Il s'agit d'une petite île considérée comme l'un des lieux les plus sacrés du bouddhisme en Chine. Classé parc national, il faut s'acquitter d'un droit d'entrée exorbitant pour y entrer, mais une fois là-bas, nous pouvons sans problème camper sur les plages magnifiques et manger de la nourriture végétarienne à la cantine des temples, nous déplaçant à pied d'un monastère à l'autre, on s'y sent bien. L'île contient environ 80 monastères, et est très visitée par les touristes chinois. Nous avons pu y avoir un aperçu des mouvements de population démentiels qui accompagnent tout jour férié en Chine. Il faut dire que la plupart des gens n'ont pas de jours de congé, en dehors des jours fériés officiels... Nous sommes vraiment bien lotis en France !
Nous atteignons ensuite l'énorme mégalopole de Shanghai, 17 millions d'habitants. Cela faisait assez longtemps que je voulais y aller. La ville de la démesure. Je m'y suis parfois sentie découragée, à essayer de limiter mon impact sur l'environnement, alors qu'à côté la machine à produire et à consommer tourne à plein régime... Sur le Bund, nous avons passé plusieurs soirées à observer les gigantesques gratte-ciels éclairés, dont le plus haut, la Shanghai tower, culmine à 632 m. C'est beau, certes... Les anciens quartiers d'habitations basses traditionnelles, où les habitants font sécher leur linge aux fils téléphoniques, sont inexorablement rasés pour construire des tours d'immeubles.
Dernière étape, Qingdao, où des anciens bâtiments d'architecture coloniale allemande donnent à la ville un cachet européen, l'atmosphère y est agréable, détendue. Cette ville était une colonie allemande entre 1898 et 1914. Ils y ont fondé en 1903 la Brasserie de Qingdao, dont la production sera ensuite reprise par les chinois. Cette bière représente aujourd'hui plus de 50% des exportations de bière chinoise, il s'agit de la célèbre Tsingtao.
Nous avons effectué l'essentiel de nos déplacements en stop, sans trop de difficultés, mais avec la frustration de très peu échanger avec nos conducteurs, qui ne parlaient jamais anglais. Les conducteurs avaient quasi systématiquement recours à " l'appel à un ami " à la moindre incompréhension : ils appellent leur ami qui parle le moins mal anglais et nous le passent. Situation en général inconfortable pour l'ami qui n'a rien demandé et la plupart du temps parle à peine anglais, et pour nous qui devons expliquer le stop à quelqu'un ne comprenant rien de la situation. Tout ça pour en général confirmer ce que le conducteur avait déjà compris avec nos gestes et mots clé en chinois !
Les grandes villes de l'Est sont immenses, surdimensionnées, et me laissent un sentiment de gâchis, surconsommation, surconstruction. On se demande où ce pays s'arrêtera dans cette course au béton, au building le plus haut, au panneau lumineux le plus grand et le plus éclairé... A notre premier séjour j'avais été séduite par la cuisine chinoise, fascinée par l'énergie qui se dégage de la population. Au deuxième séjour j'avais été subjuguée par les grandes étendues désertiques de l'ouest, mais choquée par la censure et l'emprise du gouvernement sur les minorités. Ce troisième séjour me laisse un goût amer, je suis écoeurée par tant de gâchis.
Marion
Highlight météo : c'est le printemps en Chine. J'ai beaucoup apprécié de voir la nature se réveiller, les arbres en fleurs. L'année dernière nous étions en Inde/Népal et n'avions pas eu de printemps. Ces odeurs et sensations m'évoquent mon adolescence, et me rappellent que l'année prochaine, c'est dans mon beau pays que je profiterai du printemps.
La surprise du chef : il n'y a pas de limite dans l'imagination des industriels pour créer de nouveaux "besoins". Dans le métro de Shanghai, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer en découvrant une machine bourrée d'électronique, de plastique, avec connexion à Internet, QR code, abonnement, etc. Tout ça pour... presser des oranges et vendre un verre (en plastique) de jus d'orange frais ! A quelques mètres de là il est pourtant possible d'acheter une vraie orange chez un primeur et de la manger, tout simplement.
Des plumes et des poils : trois semaines sans poils, même les rats se font discrets dans les grandes villes chinoises aseptisées ! Question plumes, Chinese Hwamei, proche cousin du Taiwanese Hwamei.
La leçon de la semaine : en 3 mois de voyage en pays sinophone, j'ai rajouté 6 mots (allez !, de rien, un, cent, où ?, non)
à mon vocabulaire limité de 8 mots (bonjour, merci, français, France, autostop, gratuit, barrière de péage, riz), pas de quoi être fière... Seule satisfaction : nous prononcons suffisamment bien ces 14 mots pour faire illusion et que les gens pensent parfois que nous parlons chinois !