Un aspect de cet aventure que j avais sous-estime est l introspection liee a toute marche dans le desert. Marcher durant des heures dans un paysage parfois assez nu, qui change lentement, laisse le temps a l esprit de vagabonder. Pour ne pas s ennuyer, nous pensons et reflechissons a plein de choses : l environnement qui nous entoure, les rencontres que nous faisons, la famille et les amis qui nous manquent, la facon dont nous voyons la suite du voyage, notre couple, la nourriture que nous aimerions manger, le futur dans lequel nous nous voyons... Des choses qui semblaient importantes perdent de leur importance, nous relativisons. Des chose qui d ordinaire peuvent sembler simples prennent beaucoup d importance : trouver de l eau, avoir assez de nourriture, se laver, reparer ses vetements et son materiel, se proteger du froid, de la chaleur...
Nous vous avions laisses a Salinas le 9 octobre, retour sur un dernier mois intense. La reprise de la marche est un peu difficile. Nos pieds nous font souffrir, a chaque pause, nous passons de longs moments a traiter les ampoules et echauffements. Nous longeons le salar d Uyuni jusqu au village de Coqueza, ou nous passons la nuit dans un hotel entierement construit en sel. C est l unique nuit que nous passerons dans une structure payante. L idee est de pouvoir y laisser nos sacs a dos pour partir le lendemain a l assaut du volcan Tunupa. Le sommet est trop instable, nous arretons donc la grimpette au sommet du Cerro Colorado, qui offre de magnifiques vues sur le salar d Uyuni, le sommet du volcan et ses pentes colorees. Le soir meme, nous commencons la traversee nord-sud du mythique salar d Uyuni. Sur des dizaines de km, un sol uniforme constitue de polygones de sel nous emballera beaucoup moins que son voisin, le salar de Coipasa, plus heterogene. Un longue journee de marche de 37 km nous permet d atteindre l ile d Incahuasi et ses cactus, ou nous faisons le plein d eau. A notre arrivee sur l ile, le gerant de la petite auberge nous laisse tout d abord entendre qu il n y a pas d eau douce... Une des rares fois ou j ai vu jb perdre un peu son calme, pas question que notre epopee a la recherche d eau de Panzo se repete ! Devant notre insistance, l homme fini par nous conduire a un robinet, nous ne comprendrons jamais pourquoi il a reagi ainsi. Et c est reparti pour 1.5 jours de traversee de salar pour franchir les 38 km qui nous separent de la rive sud. Nous cheminons ensuite au milieu de champs de quinoa en repos. Nous traversons le village de Colcha Q, puis de San Juan del Rosario ou nous nous ravitaillons. Il s agit du dernier village que nous traversons avant San Pedro, dans 3 semaines !
Le lendemain, nous atteignons le village abandonne de Chiguana, ou subsiste uniquement une caserne militaire. Les militaires possedent une citerne d eau ravitaillee par train, et nous invitent a passer la nuit dans un de leurs batiments desafectes... Une nuit assez atypique, bien a l abri du vent, dans une atmosphere assez lugubre. Apres une journee de repos dans les environs, nous nous elancons dans le nord Lipez. Le climat s est durci : plus de vent, des nuits plus fraiches. Nous partons avec beaucoup d eau, car le trajet que nous souhaitons emprunter n est pas direct, il s eloigne des pistes de 4/4 pour passer par les montagnes et notamment par le sommet du volcan Canapa, a 5900 m. Une ascension dans le froid et le brouillard, pendant laquelle sans le soutien de jb j aurais bien fait demi-tour !
Nous atteignons ensuite la Laguna Hedionda, ou nous recuperons notre premier colis de nourriture, nous voila rassures ! Nous croisons meme un chauffeur de l agence, qui semble tres concerne, et nous explique qu il est content de nous voir, car aucun chauffeur ne nous avait encore vu sur les routes (normal, nous evitons au maximum les pistes de 4/4), et ils commencaient a s inquieter. Au petit hotel qui borde la lagune, chauffeurs et touristes nous offrent un repas de fete. Nous faisons le plein d eau pour les trois jours a venir, mais decouvrons avec stupeur que l eau est assez salee. Il n y a que ca, nous n avons pas le choix... Les jours suivants, nous nous promenons dans ce secteur qui est compose de plusieurs lagunes, et decouvrons plusieurs petites lagunes cachees entre les colines. Un sommet nous fait de l oeil : Ascotan Ramaditas, a 5500 m. Nous n avons trouve sur Internet aucun topo expliquant comment le grimper, il semble peu visite et il est tres tentant d aller y faire un tour... Un des plaisirs du Lipez est de pouvoir choisir a peu pres n importe quelle montagne du paysage, de trouver une voie par une crete ou une vallee, et de grimper au sommet. Il y a rarement de falaise ou de canyon infranchissables et la vue depuis le sommet ne decoit jamais ! Apres avoir bien profite de la vue sur les sommets chiliens depuis le sommet d Ascotan, nous reprenons la route, longeant pour quelques km des pistes de 4/4. Comme c est souvent le cas, un 4/4 transportant des touristes s arrete pour nous interroger sur notre presence ici et nous proposer du ravitaillement. Pour une fois, nous acceptons un peu d eau, l eau que nous buvons depuis trois jours est definitivement trop salee. Nous atteignons ensuite un hotel de luxe, l hotel del desierto, pose dans le desert de Siloli, pres d une source. Nous y faisons le plein d eau (ah, de l eau douce...) avant de reprendre notre marche a travers le desert de Siloli. Ce desert, borde de sommets colores, est sillone de traces de 4/4. Nous passons par une zone ou de nombreux rochers aux formes sculptees par le vent sont poses sur le sable, dont le fameux Arbol de Piedra. A cet endroit commence la reserve Eduardo Avaroa.
Le lendemain nous atteignons la Laguna Colorada ou nous recuperons notre deuxieme colis. Ce lac est borde de plateformes de sel rapellant encore une fois la banquise, et presente une couleur rose a rouge sombre, qui change lorsque le vent se met a souffler. Nos pas nous conduisent ensuite au sommet d une autre montagne, qui domine le paysage, le Pabellon. Comme a chaque fois, un panorama a couper le souffle... Cette journee de marche sera notre plus longue, car nous souhaitons atteindre le soir meme Sol de Manana, une zone d intense activite geothermique. La journee est trop longue, il fait trop froid et le vent souffle trop fort, j atteins ce jour la mes limites. Le bivouac a quelques metres des fumerolles nous recompense neanmoins de tous ces efforts ! Apres avoir bien profite du site, des fumerolles, pots de boues et piscines colorees, nous nous dirigeons vers les sources thermales de Pollques. Suivre les pistes de 4/4 ne nous amuse pas, nous decidons encore une fois de passer par de jolies montagnes et par deux sommets d environ 5500 m. Nous decouvrons d incroyables vallees et cols, aux couleurs ocres et jaunes.
A Pollques, le 1/11 nous prenons un bain bien chaud dans les sources thermales. Notre derniere vraie douche remontait a... Coqueza, au debut du mois dernier ! On s y sent d ailleurs tellement bien qu on decide de prendre un jour de repos. La fin du voyage approche deja, et la suite se passe a toute allure : le desert de Dali avec ses rochers aux formes etranges, la montee au dernier gros col, la descente sur la laguna Verde et laguna Blanca, notre dernier colis que l on recupere... Changement d ambiance, les gens ici sont moins amicaux que dans le reste du parc. Interdit de camper, de grimper les montagnes sans guide... Nous avions pourtant prevu de monter au sommet de 3 montagnes du secteur. Nous abandonnons l idee de monter au sommet du Sairecabur sans guide, car le sommet se situe au Chili, et le Chili a a l epoque de la guerre contre la Bolivie, mine la frontiere. Sans topo detaille ou trace GPS, nous trouvons que la prise de risque est trop grande. Nous abandonnons egalement l idee de monter au sommet du Licancabur, les rangers interdisent formellement d y aller sans guide, et y aller avec un guide signifie prendre un 4/4 pour atteindre le debut du sentier, or nous ne voulons vraiment pas prendre de 4/4. Nous terminons donc notre voyage a pied par l ascension du Juriques, un beau volcan a 5720 m. L exploration d une nouvelle voie rend l ascension puis la descente tres longues et difficiles. Nous dormons pres du sommet, vers 5600 m, notre bivouac le plus haut. Le cratere fait plus d un km de diametre, tres impressionant. Nous redescendons directement sur le poste d immigration et entrons au Chili, apres 77 jours en Bolivie et avec une petite larme. Ne nous restent qu une quarantaine de km de marche le long d une route goudronnee, dans le desert d Atacama, pour redescendre a San Pedro, a 2440 m. C est long, pas tres agreable, la chaleur du desert d Atacama remplace progressivement la fraicheur de l altiplano. A l arrivee au poste d immigration chilien de San Pedro de Atacama, je suis heureuse de pouvoir comme dans mes reves cocher la case “Autre“ de l imprime d arrivee, pour repondre a la question “Par quel moyen de transport etes vous entre au Chili ?“.
Marion
Des plumes et des poils : 3 especes differentes de flamant rose peuplent les lacs du Lipez. Le flamant rose du Chili, le flamant rose des Andes et le flamant rose de James. On les reconnait notamment a leur taille, la couleur des pattes et du bec. Ils sont vraiment jolis. Cote poils, pas grand chose de neuf. En dehors des vigognes et vizcachas nous avons uniquement observe rapidement un renard du desert, venu fouiller dans les poubelles du poste frontiere.
Highlight meteo : le vent du Sud Lipez, dont la reputation n est pas surfaite. Il se leve en milieu de journee et souffle en continu jusqu en soiree, ou il tombe brutalement. Modere a soutenu, il fatigue et complique toutes les activites : marcher, faire fonctionner le rechaud, monter le camp, consulter la carte, se laver... Nous nous levions donc tres tot (5h45) afin d avancr un maximum avant que la soufflerie se mette en marche.
La surprise du chef : les multiples rencontres faites au cours de ce voyage a pied. Je ne m attendais pas a rencontrer autant de monde, et a ce que les echanges soient aussi riches. Dans chaque village, sur chaque route ou piste 4/4 les gens s arretaient, voire faisaient un detour pour venir nous parler ou nous proposer leur aide. A Tunupa un monsieur est venu nous offrir de la pasteque (denree rare dans le desert !), a Luca l infirmier du village nous a rattrape a velo pour venir discuter et nous parler avec passion de sa region et de son president, dans la montee au col de Salinas des jeunes en camionettes se sont arretes pour nous offrir de la biere, a Coipasa les enfants avaient mille questions a nous poser, a Laguna Hedionda chauffeurs et touristes nous ont offerts repas et provisions, dans le Lipez nous ne comptons plus les 4/4 qui se sont arretes pour nous offrir un lift, de la nourriture/de l eau et pour discuter... Les rencontres etaient simples, desinteressees, pures. Un type d echange dont nous n avions plus l habitude. Chaque rencontre nous a laisse avec le sourire et le plein d energie !
La lecon de la semaine : comme me le disait un cyclovoyageur rencontre dans le sud Lipez, aucun projet n est impossible, il suffit de se preparer serieusement et d aller a son rythme. Plusieurs personnes nous avaient dit que notre projet de marche etait impossible, nous avons bien fait de ne pas les ecouter !